Digue Morier : les Hautes-Laurentides entre angoisse et espoir

Une semaine jour pour jour après l’évacuation préventive de Chute-Saint-Philippe et de Lac-des-Écorces, l’instabilité de la digue Morier au barrage Kiamika, dans les Hautes-Laurentides, demeurait préoccupante.
En point de presse le 10 décembre, Martin Ferland, ingénieur à la direction générale des barrages, a rappelé que la situation de la digue restait préoccupante, malgré les travaux de sécurisation et de stabilisation en cours. En dépit de l’abaissement des eaux du réservoir à raison de 7 à 8 centimètres par jour, le niveau reste encore « très élevé ».

Lors de la visite du ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, à Mont-Laurier le 5 décembre, la mise en place de filtres inversés et l’installation d’une berme au pied de la digue avaient été annoncés. « Il s’agit d’un enrochement, du matériau granulaire avec membrane, du poids qu’on ajoute pour stabiliser la digue », avait précisé Martin Ferland. Coût estimé de ces travaux d’urgence : entre 2 et 5 M$.

Sur la rivière du Lièvre, les autorités publiques ont procédé à l’abaissement du niveau du réservoir du Poisson-Blanc, situé à Notre-Dame-du-Laus, afin d’accueillir le surplus d’eau qui résulterait d’une rupture de la digue.

11 municipalités en alerte

En tout, 11 municipalités ont été mises en alerte : Mont-Laurier, Kiamika, Lac-des-Écorces, Lac-du-Cerf, Lac-Saguay, Chute-Saint-Philipe, Notre-Dame-de-Pontmain, Notre-Dame-du-Laus, Saint-Aimé-du-Lac-des-Îles, Lac-Sainte-Marie et Bowman. La Municipalité de Lac-Saguay a toutefois tenu à préciser le 9 décembre qu’elle ne courrait aucun risque d’inondation et a spécifié qu’aucune évacuation de ses résidents n’était nécessaire.

La veille, le préfet de la MRC d’Antoine-Labelle et maire de Mont-Laurier, Daniel Bourdon, a demandé aux gens de l’extérieur d’éviter le secteur des Hautes-Laurentides jusqu’à nouvel ordre. « C’est rare qu’on dise qu’on ne veut pas de la visite, mais pour le moment, compte tenu de la situation, c’est plus facile pour les mesures d’urgence », a-t-il lancé.

À chaque point de presse, M. Ferland a maintenu la recommandation au ministère de la Sécurité publique de maintenir l’évacuation préventive de Chute-Saint-Philippe et Lac-des-Écorces jusqu’au 17 décembre au moins.

Les personnes évacuées qui le désiraient ont pu se rendre chez elles sous escorte, après en avoir fait la demande, nourrir ou récupérer leurs animaux laissés derrière les 3 et 4 décembre, puis retourner récupérer des biens jugés essentiels.

Services interrompus

Le maire de Chute-Saint-Philippe, Normand St-Amour, a expliqué que les élèves des écoles qui ont fermé leurs portes en raison de la situation (Saint-François et Notre-Dame de Lac-des-Écorces, Henri-Bourassa de Chute-Saint-Philippe) ont pu récupérer le matériel scolaire des enfants le 7 décembre. Reste à savoir exactement comment les élèves touchés par la situation continueront à étudier après la grève qui a cours jusqu’au 14 décembre : en ligne ou en présentiel, ailleurs?

Les services de Postes Canada sont également interrompus à Chute-Saint-Philippe et Lac-des-Écorces; les résidents des deux villages doivent aller récupérer leur courrier au bureau de poste de Mont-Laurier.

Aide et solidarité

Le branle-bas de combat initial étant passé, c’est désormais au gymnase de l’École polyvalente Saint-Joseph de Mont-Laurier que sont donnés les services d’urgence : Croix-Rouge, hébergement (dortoirs divisés : hommes, femmes, familles, couples) et aide psychosociale (les gens ont aussi l’option d’appeler le 811 option 2).

Les sinistrés peuvent obtenir de l’aide financière durant cette période d’incertitude : des cartes prépayées renouvelables avec la Croix-Rouge pour subvenir aux besoins de base; une indemnisation pour les frais d’hébergement de 40 $ par occupant d’une résidence par jour, auprès du ministère de la Sécurité publique. Déjà, plus de 540 dossiers ont été ouverts et 65 000 $ distribués.

Le 10 décembre, le directeur général de la Société d’aide au développement de la collectivité (SADC) d’Antoine-Labelle, Benoît Cochet, a lancé un appel aux entreprises touchées par la situation. « Aidez-nous à vous aider, a-t-il déclaré. Vous comprendrez que la crise actuelle fait en sorte que c’est difficile de rejoindre les entrepreneurs de façon traditionnelle par le téléphone; ils ne prennent peut-être pas tous leurs courriels. Ce qu’on a besoin, c’est de demander aux entrepreneurs de nous contacter via le site de la Maison de l’Entrepreneur. » L’équipe de la Maison de l’Entrepreneur (ME) travaille en collaboration avec Investissement Québec. Les gens d’affaires peuvent eux aussi avoir un accès de courte durée à leur entreprise, mais doivent prendre rendez-vous à l’aide de la ME.

Au cours de la semaine, l’APTS et la CSN ont annoncé que leurs membres à Mont-Laurier et Rivière-Rouge suspendaient leurs premiers jours de grève, tandis que des employés de soutien scolaire au Centre de services scolaire des Hautes-Laurentides (CSSHL) ont prêté main-forte aux personnes évacuées. Centraide Hautes-Laurentides et Moisson Laurentides ont reporté les barrages de la Guignolée des médias qui devaient se tenir le 7 décembre.

La SQ vigilante

Après l’arrestation le 4 décembre d’un présumé malfaiteur à Chute-Saint-Philippe, Éric Cadotte, sergent pour la Sûreté du Québec (SQ), a confirmé le 10 décembre que ses collègues avaient été avertis d’une autre situation.

« On a eu un appel pour une personne qui avait capté, sur sa caméra de surveillance, un intrus sur son balcon et le système de sécurité était équipé d’un haut-parleur. Donc, dès que le propriétaire de la résidence s’est mis à parler, le malfaiteur a pris la fuite. Les policiers se sont déplacés, mais cette personne-là n’a pas pu être interceptée. »

De son côté, le Service en sécurité incendie Rivière-Kiamika (SSIRK) a souligné l’entraide de plusieurs services voisins, dont ceux, extérieurs aux Hautes-Laurentides, de Maniwaki et de Mont-Tremblant. C’est sans compter tous les autres intervenants mobilisés, comme les employés municipaux des villages évacués.

Infos et images

Pour davantage d’information sur la crise actuelle, rendez-vous sur les sites Internet des municipalités de Chute-Saint-Philippe et Lac-des-Écorces ou au quebec.ca/rupturedebarrage.

Alors que la population des Hautes-Laurentides et les médias demandent depuis le début de la crise aux autorités publiques d’avoir accès à des images des travaux à la digue Morier, Martin Ferland a confirmé le 10 décembre que du visuel serait rendu public dans les prochains jours.